Entretien avec Francis Rocard (CNES) : L’ultime ballet de Cassini

Francis Rocard
Francis Rocard décrypte la mission Cassini-Huygens.

Entretien avec Francis Rocard (CNES) : L’ultime ballet de Cassini

Le CNES a publié un entretien avec Francis Rocard, responsable des programmes d’explorations du système solaire pour l’agence spatiale française, concernant la fin de mission de la sonde spatiale Cassini. Extrait :

Cela faisait 13 ans qu’il gravitait autour de Saturne. Mais pour Cassini, le moment du grand saut avant le plongeon final est venu. Le 26/04, il entame son ultime ballet cosmique en explorant une région particulièrement mal connue du Système solaire : celle qui sépare Saturne de ses célèbres anneaux. Francis Rocard, responsable des programmes d’exploration du Système solaire au CNES, revient sur cette dernière étape avant la fin de mission.

Cassini va passer entre les anneaux de Saturne. Est-ce une 1ère mondiale ? Pourquoi ne pas l’avoir fait plus tôt ?

Francis Rocard : Il s’agit effectivement d’une première ! Cette étape intervient en fin de mission pour Cassini, pour des raisons stratégiques. En effet, sur le plan de la logique des observations, il était préférable de rester hors des anneaux de Saturne jusqu’à présent, car dès lors que l’on passe de l’autre côté, il n’est pas certain de pouvoir en sortir. Cette étape représente également un risque matériel pour Cassini, qui pourrait être endommagé par des grains résiduels situés dans cette zone mal connue.

Pourquoi avoir choisi une désintégration dans la haute atmosphère de Saturne comme fin de mission ?
FR : Dans le cas de Saturne, la protection planétaire veut éviter à tout prix de polluer ses 2 lunes Encelade et Titan. En effet, elles contiennent de l’eau liquide sous leur surface gelée, donc potentiellement de la vie, qu’il faut préserver. Lors d’une fin de mission classique – comme dans le cas de Venus Express par exemple – on peut juste attendre d’être à court d’ergol. Ici, la stratégie est différente, la désintégration dans l’atmosphère de Saturne est préférable. Et pour ce faire, l’idéal est d’obtenir un retour scientifique, c’est ce qui est prévu avec cette étape finale.

Quels sont les objectifs scientifiques de cette phase ultime ?

FR : On en dénombre 3 principaux. Grâce à la grande proximité entre Cassini et la planète, il va être possible de prendre des mesures plus précises que par le passé, qui vont être utiles à plusieurs titres : On va par exemple mesurer très précisément le champ de gravité autour de Saturne dans l’objectif d’en savoir plus sur la structure interne de ce corps (taille et masse du noyau…). Ces données sont intéressantes pour mieux comprendre comment s’est formée cette planète et confronter les mesures réelles de Cassini aux modèles préétablis.
De la même manière et sous l’angle opposé, la masse des anneaux va être mesurée, pour affiner les modèles précédents. On pourra ainsi en déduire l’âge des anneaux, ce qui permettra d’éprouver le modèle qui définit leur origine.
Enfin, les mesures du champ magnétique de Saturne seront déterminantes pour comprendre le mystère de sa rotation. Pour une planète gazeuse, il faut mesurer la rotation du cœur par rapport à son noyau, ce qui est possible grâce au champ magnétique. Mais entre Voyager en 1981 et Cassini les mesures diffèrent : Saturne aurait ainsi modifié sa vitesse de rotation, ce qui n’est a priori pas possible, donc où est l’erreur ? Telle est la question !

Source

L’intégralité de l’interview de Francis Rocard est disponible sur le site du CNES ici.