Politique de l’espace : Les réponses des candidats
Le 12 avril dernier, nous avons publié une lettre ouverte aux candidats à l’élection présidentielle 2017, pour souligner le fait la que la politique de l’espace était absente des débats. En effet, peu de nos hommes politiques abordent le sujet et parlent ouvertement de politique spatiale. Cette lettre ouverte avait été envoyée aux onze candidats en indiquant que les réponses seraient publiées sur Agences-Spatiales. Conscient que nous aurions du l’envoyer plus tôt dans la campagne présidentielle, nous ne nous attendions pas à recevoir des réponses durant la dernière ligne droite des présidentielles. Toutefois Lutte Ouvrière (Nathalie Arthaud) et Solidarité & Progrès (Jacques Cheminade) nous ont fait parvenir une réponse.
La réponse de Jacques Cheminade (Solidarité & Progrès)
Nous remercions Sébastien Drochon, porte parole de Jacques Cheminade, pour avoir assuré le relais entre nos questions et le candidat.
L’ESA avec un budget de 5,75 milliards d’euros est loin des 19,5 milliards de dollars de la NASA. D’après vous, est-ce suffisant ou faut-il débloquer de nouveaux fonds ?
Les budgets respectifs du CNES et de l’ESA sont totalement insuffisants aujourd’hui pour entreprendre une politique spatiale vraiment ambitieuse. Savoir exactement quels devraient être les moyens alloués à ces deux agences pour les futurs projets spatiaux dépend bien évidemment du choix des politiques à mener. Je suis, quant à moi, favorable à une politique spatiale envisageant, à moyen terme, l’établissement de bases scientifiques et industrielles sur la Lune, associée à un programme d’exploration robotisée de notre Système solaire préparant les conditions d’une présence permanente de l’être humain dans l’espace. Cette vision à long terme est celle qu’il faut avoir pour briser la logique d’austérité budgétaire qui étouffe notre économie et empêche les perspectives de croissance réelle pour demain. En effet, les coûts de tels projets seront totalement négligeables par rapport aux bénéfices qu’ils permettront d’engranger dans l’économie sur Terre. Aussi, dans un contexte de changement du système monétaire international, j’envisage clairement de tripler le budget du CNES et de négocier avec les autres pays européens l’augmentation du budget de l’Agence spatiale européenne d’un même ordre de grandeur. L’ESA fonctionnant sur le principe du retour technologique, tout pays qui y augmenterait sa participation, y trouverait au final un grand intérêt.
Avec les progrès techniques et l’apparition d’entreprises privées ces dernières années, de nouvelles questions sont apparues. Une société commerciale peut-elle exploiter librement des ressources non terrestres ? Faut-il prévoir un nouveau cadre juridique ?
La question de l’exploitation des ressources non terrestres devrait, à l’heure actuelle, être traitée dans le cadre des Nations Unies. Le pouvoir de décision des états doit à mon sens prévaloir sur celui des grands groupes privés quant aux décisions qui touchent à cette exploitation. L’argument qui veut qu’en favorisant la privatisation dans le secteur spatial, les capitaux viendront plus facilement et en masse, est un argument fallacieux. La participation du privé, bien qu’elle puisse être souhaitable dans certains cas, est essentiellement motivée par des critères à court terme, là où le long terme doit prévaloir. Dans ce contexte, les ressources non terrestres doivent être considérées comme un bien de l’humanité et ne pas être laissées au mains de grands groupes commerciaux. Je suis d’ailleurs persuadé que leur exploitation ne sera possible que dans le cadre d’un projet ambitieux que seule une coopération entre nations rendra possible.
L’État doit-il impulser en France et (ou) au niveau européen un plan spatial plus ambitieux ou au contraire le restreindre voire le mettre de côté ?
La France doit retrouver une ambition spatiale bien plus grande que celle qu’elle a pu avoir jusqu’à présent et en être l’inspiratrice en Europe. Restreindre sa participation à l’aventure spatiale serait une grave erreur.
Que privilégier dans le domaine spatial (exploration, recherche de vie, étude climatique, technologies futuristes, communication, robotique, médecine, surveillance des astéroïdes,…)?
Il n’y a pas un domaine à privilégier plus qu’un autre puisque chaque domaine est lié aux autres d’une manière ou d’une autre. Ce qu’il faut absolument faire aujourd’hui, c’est permettre au plus vite la construction d’un lanceur lourd pour l’Europe capable de propulser 60 à 140 T en orbite basse. Le lanceur Ariane 6, prévu pour des charges maximales de 10,5 T, permet certes de maintenir l’Europe dans le marché des lanceurs commerciaux, mais demeure totalement insuffisant pour les missions plus ambitieuses. Enfin, nous devons nous donner les moyens, à terme, de maîtriser les formes de propulsion thermonucléaire de haute densité (les formes nouvelles de la fusion thermonucléaire contrôlée), qui fourniront, avec peu de carburant et sur de très longues distances, la forte poussée nécessaire pour accélérer nos vaisseaux à de très grandes vitesses, réduisant ainsi fortement le temps des trajets interplanétaires et l’exposition des spationautes aux radiations cosmiques. Ces améliorations technologiques nous permettront d’envisager l’avenir du spatial avec un tout autre regard.
Nathalie Arthaud (Lutte Ouvrière)
Nathalie Arthaud ne nous a répondu précisément car ses équipes de campagnes étaient débordées par les sollicitations. Toutefois, à défaut de connaitre sa vision de la politique de l’espace, ils nous ont transmis un extrait de la réponse de Nathalie Arthaud à l’Association des journalistes scientifiques de presse.
Comment la France pourra-t-elle garder l’expertise scientifique et le poids nécessaire pour défendre ses points de vue ?
D’une manière générale, le « point de vue de la France » comme « l’intérêt de la France » d’ailleurs, ce ne sont pas des préoccupations que je partage. Pour moi, il y a l’intérêt de la population travailleuse qui crée toutes les richesses et fait tourner tous les rouages de la société, et l’intérêt de la minorité capitaliste. Et ces intérêts sont opposés dans tous les domaines. Et en ce qui concerne la recherche scientifique en particulier, il me semble que celle-ci doit bénéficier de la collaboration internationale plutôt de se réfugier derrière la concurrence nationale. Les frontières, réelles ou dans les têtes, ne servent que ceux qui privilégient leurs intérêts capitalistes particuliers, en matière d’inventions ou de productions au détriment de l’intérêt général. “
Nous aurions aimé connaître la position des autres candidats à cette élection concernant la politique de l’espace que la France devrait mener, mais nous n’avons pas obtenu d’autres réponses. On notera tout de même que Jean Luc Mélanchon aborde le sujet dans son programme, dans un livret intitulé “L’espace, notre horizon commun“.
Le site Mashable a publié un très bon article sur l’absence de vision sur la politique de l’espace: Où sont passées les ambitions spatiales des candidats à l’élection présidentielle ?