Une économie spatiale mondiale en plein essor

Une économie spatiale mondiale en plein essor
La Terre et la Lune observées par le satellite DSCOVR. Crédits: NASA/DSCVR

Une économie spatiale mondiale en plein essor (par Siham Bouachrine)

Le discours spatial s’est profondément modifié et l’Espace revêt désormais une dimension majeure de l’infrastructure économique mondiale. Bien que la pandémie du coronavirus ait poussé à la ralentir, l’économie spatiale du 21e siècle est en pleine expansion.

Source de croissance et d’emplois, elle est boostée par une série de facteurs tels que l’innovation et le nouveau potentiel des technologies spatiales, leurs performances accrues grâce aux avancées en matière de numérisation, miniaturisation, robotique et informatique, ainsi que leur fiabilité et leur capacité à répondre à des systèmes et des besoins spécifiques. La nouvelle génération de satellites intelligents à résolution plus fine, celle de stations orbitales, celle de télescopes terrestres ou spatiaux géants, la diversification des produits innovants de masse utilisant les capacités satellitaires, la prolifération des entreprises spatiales privées, le développement de l’industrie des nano ou micro satellites et de celle des lanceurs à l’aide de fusées récupérables et donc réutilisables ont déterminé cette forte impulsion. La baisse des coûts de fabrication et d’acquisition induisant l’émergence d’un « low cost spatial », et par conséquent la hausse de la demande mondiale et de l’offre ont favorisé l’arrimage de pays émergents à ce type d’économie, tels que les Emirats Arabes Unis.

L’actualité illustre l’élan d’intérêt stratégique et commercial des gouvernements, des agences spatiales et du secteur privé de pays comme les Etat Unis, la Chine, le Japon, la Russie ou la France, et l’attrait de l’Union européenne pour le monde arabe et le continent africain. Les défis à relever d’ordre sécuritaire, environnemental, humanitaire, éducatif et économique sont multiples et l’Espace constitue en ce sens un moteur de développement socio-économique responsable et durable pour tous incontestable. Tout autant que le sont les opportunités.

Quelques chiffres
  • 2100 : Depuis deux ans, un nombre record de satellites a été lancé dans l’espace. Estimé actuellement à plus de 2100, le nombre de lancements de satellites en orbite terrestre a augmenté de 246% entre 2014 et 2018 (1). D’ici 2025, on devrait en compter autour de 6000 ou 7000 (2).
  • 29 000 : c’est le nombre actuel d’objets d’origine humaine de plus de 10 cm en orbite autour de notre planète, multipliant les risques de collision spatiale qui ne feront qu’augmenter, en particulier avec les milliers de micro satellites, les multiples cubesats et le développement de nouvelles constellations. La question des débris spatiaux devient de plus en plus préoccupante (3).
  • 366 milliards de dollars us : c’est le montant de l’économie spatiale mondiale en 2019 répartis comme suit selon le rapport annuel de Bryce Space Technology 2019 (4).
  • 95 milliards de dollars us pour l’industrie satellitaire
  • 123 milliards de dollars us pour les services satellitaires
  • 130,3 milliards de dollars us pour l’équipement au sol
  • 4,9 milliards de dollars us pour l’industrie de lancement
  • 12,5 milliards de dollars us pour la fabrication de satellites
  • 6 milliards de dollars : c’est le montant de l’investissement total dans plus de 135 entreprises spatiales en 2019, dont quatre entreprises ont représenté près de 70 % des investissements en capital-risque (SpaceX, Blue Origin, OneWeb et Virgin Galactic). Si au départ les investisseurs comme les sociétés spatiales étaient en grande majorité américains, la tendance s’est aujourd’hui inversée et la plupart sont disséminés à travers le monde (5).
  • 14,1 millions de dollars : C’est le montant du contrat et de l’aide financière de la NASA que vient de remporter l’opérateur finlandais Nokia pour installer et rendre opérationnelles des antennes 4G sur la Lune à l’échéance 2024, qui permettront aux astronautes d’effectuer la transmission de données, de contrôler les rovers et de diffuser du flux vidéo en HD. Ce budget fait partie des 370 millions de dollars que la NASA veut octroyer aux entreprises qui pourront lui fournir des technologies innovantes afin d’explorer la surface lunaire (6).
  • 2024 : correspond à la mise en place du programme ARTEMIS prévoyant l’envoi d’astronautes sur la Lune dont une femme, un demi-siècle après la mission lunaire américaine Apollo, ainsi que l’implantation d’une colonie humaine sur la Lune, tremplin pour une colonisation martienne en 2033.

Evoquer l’essor de l’économie spatiale mondiale, c’est certes aborder la question de l’exploration spatiale, celle du marché des satellites et des lanceurs, des infrastructures au sol, de leur construction et de leur lancement, celle des services, mais c’est également se pencher sur les questions des nouveaux marchés à venir du tourisme spatial et suborbital qui draineront plusieurs milliards de dollars de chiffre d’affaires et de la très prochaine commercialisation des ressources naturelles de la Lune et des astéroïdes. L’Espace deviendra le Graal des puissantes sociétés privées et de quelques Etats. La pression juridique exercée par la Nasa et les entreprises a déjà commencé afin de préparer au plus tôt les modalités de l’exploitation, la privatisation et la commercialisation des ressources extraterrestres.

Sources bibliographiques

  • (1) State of the satellite industry- 23ème report 2019. SIA. Satellite industry association. Washington DC. 02/07/2020
  • (2) «14,4 milliards d’euros : budget record pour l’Europe spatiale ». Pierre Challier. La dépêche.fr. 29/11/2019
  • (3) « Débris spatiaux : une menace toujours plus grande » par Dan Falk. National Geographics. Le 5 novembre 2020.
  • (4) Rapport annuel de Bryce Space Technology- 2019
  • (5) Rapport OCDE. Accès au financement. Quatrième webinaire avec des experts de l’économie spatiale. 2020
  • (6) https://iphonesoft.fr/2020/10/19/nokia-decroche-contrat-deployer-4g-lune. Par Julien Russo.Octobre 2020

Article proposé par Siham Bouachrine (docteure en droit, consultante-Rédactrice indépendante)