L’impact des méga-constellations de satellites sur l’astronomie
Une nouvelle étude de l’ESO évalue l’impact des constellations de satellites sur les observations astronomiques. Avec la mise en place des constellations comme Starlink ou OneWeb, les astronomes craignent d’avoir de plus en plus de difficulté à pouvoir observer le ciel depuis la Terre. L’ESO a publié ses premiers résultats dans un communiqué publié le 5 mars dernier et le site ça se passe là-haut a publié un podcast sur cette étude (disponible en bas d’article).
Les astronomes ont récemment fait part de leurs inquiétudes concernant l’impact des méga-constellations de satellites sur la recherche scientifique. Afin de mieux comprendre l’effet potentiel de ces constellations sur les observations astronomiques, l’ESO a commandité une étude scientifique de leur impact, se concentrant sur les observations effectuées au moyen des télescopes de l’ESO opérant dans les domaines visible et infrarouge, tout en considérant d’autres observatoires. L’étude, qui porte sur un total de 18 constellations de satellites actuellement développées par les sociétés SpaceX, Amazon, OneWeb et d’autres, ce qui représente plus de 26 000 satellites, a été acceptée pour publication au sein de la revue Astronomy & Astrophysics.
L’étude révèle que les grands télescopes tels le Very Large Telescope (VLT) de l’ESO et le futur Extremely Large Telescope (ELT) de l’ESO seront “modérément impactés” par les constellations en cours de développement. L’effet sur les longues expositions (de quelque 1000 sec) sera plus prononcé en revanche : 3% de ces observations effectuées à l’aube ou durant le crépuscule pourraient être inexploitables. Les expositions de plus courte durée seraient moins impactées – moins de 0,5% d’entre elles seraient affectées. Les observations effectuées à d’autres moments de la nuit seraient également moins impactées, les satellites se trouvant alors dans l’ombre de la Terre et ne bénéficiant d’aucun éclairement. Selon le cas scientifique, les impacts pourraient être réduits en modifiant le planning d’exploitation des télescopes de l’ESO, ce qui représente un coût non négligeable. Du côté industriel, une mesure efficace pour limiter ces impacts consisterait à assombrir les satellites. L’étude révèle également que les sondages étendus, effectués au moyen des grands télescopes notamment, seraient les plus impactés. A titre d’exemple, 30 à 50% des expositions effectuées grâce à l’Observatoire Vera C. Rubin de la National Science Foundation aux Etats-Unis – une instrumentation hors ESO, seraient “sévèrement impactées” selon l’époque de l’année, l’heure de la nuit et les hypothèses simplificatrices utilisées dans le cadre de cette étude. Les techniques d’atténuation qui pourraient être appliquées aux télescopes de l’ESO ne seraient pas adaptées à cet observatoire. D’autres stratégies sont donc activement examinées. Des études complémentaires sont requises pour bien cerner les conséquences scientifiques de cette perte de données d’observation ainsi que la complexité de leur analyse. Les télescopes dédiés aux sondages champ large tel l’Observatoire Rubin sont capables de rapidement scanner de vastes portions du ciel, et donc de détecter des phénomènes de courte durée tels des explosions en supernovae ou des astéroïdes potentiellement dangereux. Parce qu’ils disposent de cette faculté unique de générer de vastes ensembles de données et de désigner des cibles d’observation pour de nombreux autres observatoires, les communautés astronomiques et les organismes de financement en Europe et ailleurs ont érigé les télescopes champ large au rang de priorité absolue pour les développements futurs de l’astronomie.
Les astronomes professionnels et amateurs ont également exprimé des inquiétudes concernant l’impact des méga-constellations de satellites sur les vues immaculées du ciel nocturne. L’étude révèle que quelque 1600 satellites des constellations peupleront le ciel d’un observatoire situé aux latitudes moyennes. La plupart d’entre eux se situeront à moins de 30 degrés au-dessus de l’horizon local. Au-delà, soit dans cette portion du ciel faisant l’objet de la plupart des observations astronomiques, se trouveront quelque 250 satellites des constellations à tout instant. Tous seront éclairés par le Soleil lors de son coucher ou de son lever. Un nombre toujours plus élevé d’entre eux se trouvera plongé dans l’ombre de la Terre vers le milieu de la nuit. L’étude de l’ESO attribue une luminosité à tous ces satellites. Cette hypothèse implique qu’une centaine de satellites sera suffisamment brillant pour être aperçu à l’oeil nu durant l’aube ou le crépuscule, et que 10 d’entre eux se situeront à plus de 30 degrés au-dessus de l’horizon. Ces chiffres diminuent à mesure que la nuit s’assombrit et que les satellites plongent dans l’ombre de la Terre. Dans l’ensemble, ces nouvelles constellations de satellite devraient doubler le nombre de satellites visibles à l’oeil nu dans le ciel nocturne à 30 degrés ou plus au-dessus de l’horizon.
Ces chiffres ne tiennent pas compte des trains de satellites visibles immédiatement après le lancement. Bien que particulièrement spectaculaires et brillants, ils sont de courte durée et brièvement visibles seulement après le coucher de Soleil ou avant son lever, et – à tout instant – depuis une région terrestre peu étendue. L’étude de l’ESO repose sur diverses simplifications et hypothèses censées délivrer de prudentes estimations des effets, qui pourraient se révéler moins impactants dans la réalité que sur le papier. Une modélisation plus sophistiquée se révèlera nécessaire pour quantifier plus précisément les impacts réels de ces constellations de satellites. Bien que l’accent soit mis sur les télescopes de l’ESO, les résultats s’appliquent à des télescopes similaires hors ESO qui opèrent également dans les domaines visible et infrarouge, sont dotés d’une instrumentation similaire et abordent de semblables problématiques scientifiques.
Les constellations de satellites impacteront également les observatoires opérant dans les domaines radio, millimétrique et submillimétrique tels ALMA (Atacama Large Millimeter/submillimeter Array) et APEX (Atacama Pathfinder Experiment). Cet impact fera l’objet d’études ultérieures. Ces actions sont menées parallèlement à la recherche de solutions pratiques avec les sociétés spatiales permettant de sauvegarder les investissements à grande échelle réalisés dans des installations astronomiques terrestres de pointe. L’ESO soutient l’élaboration de cadres réglementaires qui permettront, à terme, la coexistence harmonieuse de technologies avancées en orbite basse terrestre d’une part, l’observation et la compréhension de l’Univers par l’humanité toute entière d’autre part.
Source
Le communiqué de presse publié par l’ESO le 05/03/2020 est ici
Podcast ça se passe là-haut : L’impact des méga-constellations de satellites sur l’astronomie
Extrait : Une étude menée par l’ESO (European Southern Observatoy) s’est penchée sur l’impact sur les observations astronomiques que devraient avoir les méga-constellations de milliers de satellites qui sont programmées, non seulement par SpaceX mais aussi par Amazon, OneWeb et d’autres acteurs de l’industrie spatiale. Un constat accablant publié dans Astronomy & Astrophysics.
Source
Retrouvez l’intégralité de l’article publié sur le site “ça se passe là-haut” le 13/03/2020 ici